Le corps d'énergie

Publié le 24 Mai 2016

La voie du guerrier vue comme un paradigme philosophico-pratique


Le corps d'énergie

Le quatrième élément de la voie du guerrier est LE CORPS D'ENERGIE. Don Juan Matus expliquait que, depuis des temps immémoriaux, les sorciers avaient donné le nom de corps d'énergie à une configuration spéciale d'énergie qui appartenait individuellement à chaque être humain. Il appelait aussi cette configuration le corps de rêve, ou le double, ou l'autre. Sa préférence, selon la coutume des sorciers d'illustrer les concepts abstraits, était de l'appeler le corps d'énergie. Mais il m'a aussi parlé d'un nom secret amusant, pour le corps d'énergie, qui était utilisé comme euphémisme ou comme surnom, une expression de tendresse, une référence amicale à quelque chose d'incompréhensible et de voilé : "que ni te jodan" -- ce qui veut dire en français, "il ne faut pas qu'on t'embête", le corps d'énergie ou autre.

Don Juan expliquait de façon formelle que le corps d'énergie était comme un conglomérat de champs d'énergie qui est l'image miroir des champs d'énergie qui composent le corps humain quand il est vu directement comme de l'énergie. Don Juan disait que pour les sorciers, le corps physique et le corps d'énergie étaient une seule et même unité. Il expliquait encore que les sorciers croyaient que le corps physique mettait bien en jeu le corps et l'esprit tels que nous les connaissions, mais que le corps physique et le corps d'énergie étaient les seules configurations énergétiques qui pouvaient se contrebalancer, dans le champ humain. Comme il n'y a pas de prétendu dualisme entre le corps et l'esprit, le seul dualisme qui puisse exister est celui du corps physique et du corps d'énergie.

Les sorciers soutiennent que percevoir est un processus d'interprétation de données sensorielles, mais que chaque être humain a la capacité de percevoir l'énergie directement, c'est-à-dire sans la faire passer par un système d'interprétation. Comme on l’a déjà dit, quand les êtres humains sont eux-mêmes perçus de cette manière, ils ont l'apparence d'une sphère de luminosité. Les sorciers affirment que cette sphère de luminosité est un conglomérat de champs d'énergie maintenus ensemble par une mystérieuse force agglutinante.

"Que voulez-vous dire par conglomérat de champs d'énergie ?" demandais-je à don Juan quand il me parla pour la première fois de ceci.

"Les champs d'énergie sont retenus compressés ensemble par une étrange force agglutinante," répondit-il. "Un des arts des sorciers consiste à faire signe au corps d'énergie, qui est ordinairement très loin de sa contrepartie le [page 5/12 réelle] corps physique, et de le rapprocher suffisament pour qu'il puisse gouverner énergétiquement tout ce que fait le corps physique."

"Si tu veux être plus précis," continua don Juan, "tu peux dire que quand le corps d'énergie se trouve très proche du corps physique, un sorcier voit deux sphères lumineuses, presque superposées l'une à l'autre. Avoir à proximité notre jumeau d'énergie devrait être notre état naturel, si ce n'est qu'il existe quelque chose qui éloigne le corps d'énergie du corps physique dès l'instant de notre naissance."

Les sorciers de la lignée de don Juan insistaient au maximum sur l'indispensable discipline qu'il faut pour rapprocher le corps d'énergie du corps physique. Don Juan expliquait qu'une fois que le corps d'énergie atteignait un certain degré de vigueur, qui varie d'un individu à l'autre, sa proximité donnait aux sorciers l'opportunité de le forger pour qu'il devienne l'autre ou le double : un autre être, solide et tridimensionnel lui aussi, exactement comme eux-mêmes.

Suivant les mêmes pratiques, les sorciers peuvent changer leur corps physique, solide et tridimensionnel, en une réplique parfaite du corps d'énergie ; c'est-à-dire un conglomérat de champs d'énergie pure qui sont invisibles à l'œil normal, comme c'est toujours le cas pour l'énergie ; une charge éthérée d'énergie capable de passer, par exemple, à travers un mur.

"Est-il vraiment possible de transformer le corps à ce point, don Juan ? Ou êtes-vous simplement en train de me raconter une histoire ?" lui demandais-je, surpris et déconcerté quand j'entendis ces déclarations.

"Il n'y a rien de légendaire à propos des sorciers," répondit-il. "Les sorciers sont des êtres pragmatiques, et ce qu'ils décrivent est toujours quelque chose de très sobre et de très terre à terre. Notre handicap est d'être toujours réfractaire à nous écarter de notre linéarité. Cela fait de nous des incrédules qui se détruisent eux-mêmes en allant croire les choses les plus invraisemblables que l'on puisse imaginer."

"Quand vous parlez comme cela, don Juan, vous faites toujours allusion à moi," dis-je. "Je me tue à croire quoi donc ?"

"Tu te tues à croire, par exemple, que l'anthropologie est significative ou que c'est quelque chose qui existe. Tout comme un religieux se tue à croire que Dieu est un homme qui réside dans les cieux et que le diable est un malfaiteur cosmique qui a élu domicile en enfer."

C'était le style de don Juan que de faire des remarques tranchantes et pourtant incroyablement précises à propos de ma personne dans ce monde. Plus elles étaient tranchantes et directes, plus elles m'affectaient et plus grande était ma déception en les entendant. Une autre de ses astuces didactiques consistait à annoncer à la légère des informations extrêmement pertinentes à propos des concepts des sorciers, et en effet l'impact en était parfaitement décisif pour ma manie de lui réclamer des explications linéaires. Une fois, pendant que nous discutions sur le corps d'énergie, je lui posai une de mes questions tortueuses :

"A travers quels processus", dis-je, "les sorciers peuvent-ils transformer leurs corps d'énergie éthérés en corps solides et tridimensionnels, et leurs corps physiques en énergie éthérée capable de passer à travers un mur ?"

Don Juan, adoptant un sérieux professoral, leva le doigt et dit : "Au travers de l'emploi volontaire -- bien que pas toujours conscient -- et pourtant tout à fait dans nos possibilités, mais pas entièrement dans nos compétences immédiates -- de la force agglutinante qui relie ensemble le corps physique et le corps d'énergie comme deux conglomérats de champs d'énergie."

Exprimée sur le ton de la taquinerie, son explication était néanmoins une description phénoménologique extrêmement précise de processus inconcevables pour nos esprits linéaires, et pourtant continuellement accomplis par nos ressources énergétiques cachées. Les sorciers maintiennent que le lien entre le corps physique et le corps d'énergie est une mystérieuse force agglutinante que nous utilisons incessamment sans jamais en être conscients.

Nous avons déjà dit que quand les sorciers perçoivent le corps comme un conglomérat de champs d'énergie lumineuse, ils perçoivent une sphère de la taille des deux bras étendus latéralement [page 6/12 réelle] et de la hauteur des bras tendus vers le haut. Ils perçoivent aussi que dans cette sphère il existe quelque chose qu'ils appellent le point d'assemblage ; un endroit d'une luminosité plus intense, de la taille d'une balle de tennis, situé derrière le dos, à hauteur des omoplates et à une longueur de bras derrière elles.

Les sorciers considèrent le point d'assemblage comme étant l'endroit où le flux d'énergie directe est transformé en données sensorielles et interprété comme le monde de la vie quotidienne. Don Juan disait que le point d'assemblage, à part faire tout cela, avait aussi une fonction secondaire très importante : c'était le lien étroit entre le corps physique et le point d'assemblage du corps d'énergie. Il décrivait cette liaison comme étant analogue à deux cercles magnétiques, chacun de la taille d'une balle de tennis, s'attirant l'un l'autre grâce à la force de l'intention.

Il disait aussi que tant que le corps physique et le corps d'énergie ne se sont pas rejoints, la connexion entre eux n'est qu'une ligne éthérique, qui est si ténue parfois qu'elle semble ne pas exister. Don Juan était certain que le corps d'énergie était repoussé de plus en plus loin à mesure qu'on grandissait, et que la mort était le résultat de la rupture de cette connexion ténue.

Rédigé par Agnès

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