Le temps d'arrêt - Perdre la forme humaine

Publié le 8 Mars 2017

« Le problème, c’était que j’avais perdu ma forme
humaine avant vous. Si nous l’avions perdue tous les
deux en même temps, nous aurions pu nous aider
mutuellement ; mais dans les circonstances les hauts
et les bas se sont succédé plus vite que je ne saurais
m’en souvenir. »

Jamais je n’avais vraiment cru, lui avouai-je, qu’elle
avait perdu sa forme humaine. Selon ma compré-
hension des choses, perdre la forme humaine in-
cluait un corollaire nécessaire : une constance de ca-
ractère restée hors de sa portée – si j’en jugeais en
tout cas d’après ses hauts et ses bas émotionnels. A
cet égard je m’étais montré sévère et injuste envers
elle.

Ayant perdu ma forme humaine, j’étais mainte-
nant en mesure de comprendre qu’être sans forme
(entre autres choses) constitue un obstacle au calme
et à l’égalité d’âme.

Il n’y a aucune force émotion-
nelle automatique liée à cet état. Un des aspects d u 
détachement, la capacité de se plonger totalement
dans ce que l’on fait, s’étend bien entendu à tout, y
compris a l’instabilité et à la mesquinerie.

L’avantage d’ être sans forme est de nous permettre un temps 
d’arrêt – à la condition d’avoir l’autodiscipline et le courage de l’utiliser.

Le comportement passé de la Gorda me devint enfin compréhensible. Elle était sans forme depuis des années, mais sans l’autodiscipline voulue.

page 174 - le Don de l'Aigle

Explication (page 174 - le Don de l'Aigle)

– Un guerrier est un être qui recherche la liber-
té, me dit-elle à l’oreille. La tristesse n’est pas la liber-
té. Nous devons nous en détacher.

Avoir le sens du détachement, comme l’avait dit
don Juan, implique de prendre un temps d’arrêt
pour réévaluer les situations. Au comble de ma tris-
tesse, je compris ce qu’il voulait dire par là. Je possé-
dais le détachement, il m’appartenait d’utiliser main-
tenant ce temps d’arrêt de façon correcte. Ou en
tout cas de m’y efforcer.

Je ne sais pas si ma volonté joua un rôle, mais ma
tristesse disparut tout à coup, C’était comme si elle
n’avait jamais existé. La vitesse de mon changement
d’état d’âme, et son caractère total, m’alarmèrent.
– Ah, vous voici au même point que moi I s’écria
la Gorda quand je lui eus décrit mon changement 
d’humeur. 


Après toutes ces années passées, je n’ai
pas encore appris à maîtriser le fait d’être sans
forme. Je saute désespérément d’un sentiment à l’au-
tre le temps d’un soupir. Parce que j’étais sans for-
me, j’ai pu aider les petites sœurs, mais j’étais égale-
ment à leur merci. Chacune d’elles était assez forte
pour me faire osciller d’un extrême à l’autre.

Rédigé par Agnès

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