Pour l’observateur qui voit, elle semble tourner dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, un peu comme dans un entonnoir.
La puissance d’un centre donné dépend de la force de ce mouvement. S’il est à peine perceptible, c’est que le centre est épuisé, vidé de son énergie.
Quand les sorciers des temps anciens examinaient le corps avec leur oeil qui VOIT, poursuivit don Juan, ils remarquaient la présence de ces vortex.
Poussés par la curiosité, ils en ont dressé une carte.
- Y a-t-il beaucoup de ces centres dans le corps, don Juan ? demandai-je.
- Des centaines, sinon des milliers ! assura-t-il.
On pourrait dire que l’être humain n’est rien d’autre qu’un agglomérat de milliers de spirales tourbillonnantes, dont certaines si petites qu’elles ressemblent, disons, à des têtes d’épingle, mais des têtes d’épingle très importantes.
La plupart des vortex sont des tourbillons d’énergie.
Selon les cas, l’énergie les traverse librement ou y reste accrochée.
Mais il y en a six qui sont tellement grands qu’ils méritent une attention particulière. Ce sont les centres de vie et de vitalité. L’énergie n’y est jamais figée, mais parfois, l’apport énergétique est si faible que c’est à peine si le centre tourne.
Don Juan m’expliqua que ces énormes centres vitaux étaient situés en six régions du corps.
Il les énuméra par ordre d’importance, dans la conception des shamans.
Le premier se trouvait dans la région du foie et de la vésicule biliaire ;
le second au niveau du pancréas et de la rate ;
le troisième près des reins et des glandes surrénales ;
le quatrième était situé dans le creux à la base du cou ;
le cinquième était celui de la matrice et le sixième se situait au-dessus de la tête.
À en croire don Juan, le cinquième centre, qui ne concerne que les femmes, avait parfois une sorte d’énergie spéciale qui présentait aux yeux des sorciers une apparence liquide.
C’était une caractéristique que seules quelques femmes possédaient.
Sa fonction, semblait-il, était celle d’un filtre naturel qui arrêtait les influences parasites.
Le sixième, situé au sommet de la tête, avait quelque chose de très anormal, pour ne pas dire plus, dans la description qu’en donnait don Juan, qui d’ailleurs ne voulait rien avoir à faire avec ce centre.
Il le disait animé, non par un tourbillon d’énergie, comme les autres, mais par un mouvement pendulaire, d’avant en arrière, qui rappelait un peu le battement d’un coeur.
Pourquoi l’énergie de ce centre est-elle si différente, don Juan ? lui demandai-je.
- Ce sixième centre d’énergie n’appartient pas tout à fait à l’homme, dit-il.
Vois-tu, nous autres humains, nous sommes comme qui dirait assiégés.
Ce centre a été pris d’assaut par un envahisseur, un prédateur invisible. Et le seul moyen que nous avons de le vaincre, c’est de fortifier tous les autres centres.
- N’est-ce pas un peu paranoïaque, de se sentir ainsi assiégé, don Juan ? suggérai-je.
- Eh bien, pour toi, peut-être, mais certainement pas pour moi, répliqua-t-il.
Je vois l’énergie, et je vois que cette énergie, au-dessus du sommet de la tête, ne circule pas comme celle des autres centres.
Elle a cette oscillation d’avant en arrière, absolument répugnante, et absolument étrangère.
Je vois aussi que, chez un sorcier qui a réussi à vaincre la pensée, cette installation étrangère comme l’appellent les shamans, la fluctuation d’énergie dans ce centre est devenue exactement pareille à celle de tous les autres.