Que pensez-vous de l'égo, du moi?

Publié le 7 Mars 2020

Que pensez-vous de l'égo, du moi?

Don Juan disait qu'il n'y a pas à faire étalage de l'égomanie, du moi, moi, moi. On ne peut pas être continuellement sous les projecteurs. Il me disait que j'étais un égomaniaque. "Plus on est petit, plus on est maniaque." Pour lui j'étais Monsieur Cauchemar.
Une fois je lui ai demandé, "Que tirez-vous de votre relation avec moi don Juan?"
Il a répondu, "Beaucoup, chaque fois que je te vois j'ai la nausée, tu me donnes envie de vomir. Tu vois, tu me renouvelles." Je lui ai donné des années de bonheur, parce qu'il mourait de rire chaque fois qu'il me voyait. Il ne laissait passer aucune opportunité pour m'enseigner quelque chose. De plus, il considérait qu'il était jeune et moi vieux car je consommais du vin et des cigarettes. J'allais le voir à moitié assommé pour me donner du courage.
Un jour, il m'a dit: "Nous partons dans montagne pour dix jours. De combien de paquets de cigarettes as-tu besoin?" 
  - Environ dix," j'ai répondu.
  - Très bien, alors emballe-les soigneusement avec du ruban adhésif afin que les coyotes ne les sentent pas."
Je me mis immédiatement à préparer le paquet en faisant plusieurs tours avec le ruban adhésif. J'avais même inventé un système où je pouvais passer ma main dans une ouverture qui se refermait une fois que j'avais sorti le paquet, une merveilleuse invention!
Nous sommes partis dans la montagne. Au matin du deuxième jour, mes paquets de cigarettes avait disparu. Tout ce qu'il restait étaient des traces des coyotes et mon sac tout déchiré.
"Oh ne t'en fais pas! m'a dit don Juan. Je ne pense pas qu'il l'ait emporté bien loin. Allons à la recherche de tes cigarettes."
Nous avons cherché pendant huit jours, en haut de la colline, en bas de la colline, en haut de la côte, en bas de la côte. Ma condition physique précaire était en train de me tuer, je courrais avec la langue pendante, jusqu'à ce qu'un jour je m’effondre en disant, "Je me rends, je n'en peux plus!"
  - Tu ne veux plus chercher tes cigarettes?" m'a t-il demandé.
  - Non, j'ai répondu, je veux survivre!"(La gorge sèche recrachant de la nicotine).
  - Très bien," a t-il dit, alors notre excursion s'arrête ici."
Il entrouvrit quelques buissons, et là, juste devant moi je vis sa maison. C'était sa manière de transmettre ce qu'on ne peut interprèter. Ce jour là j'ai complètement arrêté de boire et de fumer. Il faisait ces choses comme effiler mes pulls en mohair pour me remettre ensuite la pelote. Il faisait cela pour que j'interrompe mon système d'interprétation, pour me libérer de ma syntaxe.
https://interviewscastaneda.weebly.com/kala-ruiz---interview.html

Rédigé par Agnès

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